La gouvernance multiniveaux : un casse-tête ? Aperçu des bonnes pratiques urbaines européennes
Les villes européennes ont exprimé leur besoin de renforcer leurs connaissances et leurs pratiques en matière de gouvernance et de coopération à tous les niveaux afin de soutenir le développement urbain durable.
C'est l'une des conclusions de l'enquête prospective 2024 menée par l'Initiative urbaine européenne sur Portico. Bien que la gouvernance multiniveaux ne soit pas un sujet universel ("one-size-fits all"), des enseignements précieux ont déjà été tirés sur la manière dont d'autres villes européennes ont mis en place des systèmes de gouvernance multipartites et multiniveaux solides et résistants.
La première vague de villes ayant bénéficié de subventions dans le cadre du programme d'actions innovatrices urbaines de la Commission européenne entre 2014 et 2020 est à l'origine d'une grande partie de ces expériences. Les connaissances sur la manière dont ces villes ont abordé des questions urbaines complexes telles que l'adaptation au climat, la transition numérique, le logement ou la pauvreté à l'aide d'une approche intégrée sont présentées dans ce rapport 2022. Avec un chapitre consacré à la gouvernance multipartite et multiniveau, l'étude met en lumière des exemples concrets de la manière dont les villes ont réussi à construire et à gérer des alliances étendues autour des gouvernements locaux, allant des autorités nationales et régionales à une variété de parties prenantes locales.
Mais commençons par découvrir des pratiques et des idées sur la gouvernance multipartite et multiniveau déjà testée par des villes innovantes en Europe.
Le point de départ de la gouvernance multipartite et multiniveau
Aussi simple que cela puisse paraître, il faut partir des acquis. Qu'il s'agisse de réseaux, de projets pilotes antérieurs ou d'un dynamisme général en faveur de la collaboration créé par un débat récent, tous ces éléments peuvent conduire à la mise en place d'une gouvernance multipartite et multiniveau solide. Par exemple, l'initiative Cluj Future of Work (FoW) en Roumanie s'est appuyée sur le travail préparatoire effectué par Cluj-Napoca dans le cadre de sa candidature au titre de Capitale européenne de la culture 2021. Bien que la candidature n'ait pas été retenue, elle a donné naissance à de nombreux concepts et partenariats qui ont ensuite été mis en œuvre dans le cadre du projet FoW.
De même, le projet CitiCap à Lahti, en Finlande, a réussi à profiter de l'engouement créé par le titre de Capitale verte de l'Europe 2021 pour favoriser un engagement collectif en faveur de la neutralité carbone, et obtenir des conseils et un soutien solides de la part des différents services municipaux.
Le projet DARE à Ravenne, en Italie, a profité d'un partenariat établi lors d'un ancien réseau URBACT. Les méthodologies utilisées dans le projet URBACT Creative Spirits ont permis à la ville de constituer un groupe d'acteurs locaux, de nouer des relations avec eux et de former ainsi un partenariat de référence. Cette alliance a servi de plateforme à laquelle de nouveaux partenaires ont pu être ajoutés, soit pour combler les lacunes en matière de compétences, soit pour renforcer des segments spécifiques au sein du dispositif local. Dans le but de revitaliser le quartier de Darsena par la mise en place d'une culture numérique centrée sur la communauté locale, DARE a entrepris une étude minutieuse des pratiques, des projets et des politiques existant sur le territoire. Par ailleurs, le fait de favoriser de nouvelles alliances et d'impliquer des acteurs inhabituels peut également représenter être un bon point de départ.
Le projet OASIS à Paris a été conçu dans le but de transformer les cours d'école en espaces communautaires co-conçus et co-construits qui sont à la fois verts et adaptés au changement climatique. Pour la réalisation de cette initiative, le consortium officiel était composé de l'agence météorologique nationale (France Météo), d'organismes d'enseignement et de recherche (ESIEE, LIEPP et LIGUE) et d'une agence publique spécialisée dans l'urbanisme et l'environnement (CAUE). Le projet a également bénéficié du soutien du ministère de l'éducation nationale, de la compagnie des eaux de Paris, des mairies d'arrondissement et des communautés éducatives. Tous ces acteurs n'avaient jamais travaillé ensemble auparavant. C'est grâce à leurs nouvelles collaborations et au cadre de gouvernance qu'ils ont créé ensemble qu'ils ont réussi à combler les lacunes entre des domaines politiques auparavant distincts.
Comment faire pour que cela fonctionne à long terme ?
Prévoyez des structures et des outils flexibles qui peuvent faciliter l'engagement continu de vos parties prenantes. Les structures sur mesure qui permettent aux organisations des secteurs public et privé, ainsi qu'aux instances de recherche et aux acteurs de la société civile, de coopérer de manière horizontale et verticale, jouent un rôle déterminant dans la réussite des cadres de gouvernance à multiniveaux. La plupart de ces structures agissent en tant qu'organisations intermédiaires et faîtières.
Par exemple, le projet Košice 2.0 a été coordonné au niveau opérationnel par deux organisations issues de l'initiative « Capitale européenne de la culture ». La première, Creative Industry Košice (CIKE), est une organisation non gouvernementale chargée de concevoir la stratégie principale pour le développement de l'industrie culturelle et créative de la ville, et la seconde, K13 - Košice Cultural Centres, est une entité chargée de l'exploitation et de la gestion d'un réseau de lieux culturels. Ces institutions fonctionnent de manière autonome par rapport au gouvernement municipal en ce qui concerne les processus de prise de décision, mais elles entretiennent un réseau de connexions et de canaux de communication formels et informels avec le secteur public. Cela leur permet de s'engager efficacement auprès des fonctionnaires et des différentes parties prenantes. Le statut d'intermédiaire de ces organisations, ainsi que la création de l'Institut de l'expérience et du bien-être des citoyens (CXI), ont joué un rôle déterminant dans leur efficacité opérationnelle.
Dans d'autres cas, ce rôle de coordination est intégré dès le départ dans la structure publique. Le projet VILAWATT à Viladecans, en Espagne, a créé un nouveau partenariat local de gouvernance public-privé-citoyen (PPCP). Ce PPCP a représenté une vraie plaque tournante proposant des solutions et de services énergétiques liés à la culture de l'énergie, à la rénovation des bâtiments et à la création d'une monnaie locale incitant aux économies d'énergie. VILAWATT est désormais un exemple de bonne pratique européenne, à la fois pour une approche innovante de la transition énergétique, mais aussi pour la gouvernance à plusieurs niveaux. Dans d'autres cas, il n'est pas nécessaire de créer un partenariat supplémentaire ou un organisme intermédiaire, mais plutôt de définir clairement les rôles de chacun afin de mener une action cohérente.
Pour avoir une longueur d'avance : le rôle essentiel du leadership et de la connaissance
Les praticiens de l'urbanisme ont désormais accès à un nombre croissant de ressources, notamment la plateforme Portico de l'Initiative urbaine européenne (IUE) et le Handbook of Sustainable Urban Development Strategies du Centre commun de recherche de la Commission européenne. Ces sources fournissent une multitude de bonnes pratiques émergentes en matière de gouvernance multi-niveaux. Mais l'ingrédient commun à toutes les connaissances disponibles est le rôle crucial du leadership, à commencer par les initiatives des agents de la fonction publique et des différents services municipaux, et jusqu'au soutien crucial des dirigeants politiques. Alors, acteurs du changement, unissez-vous !